Devant l'évolution massive du mouvement, et son
alourdissement, il craint aussi que le potentiel spirituel
du scoutisme ne vienne à diminuer. Il conçoit
alors l'idée d'un Ordre Scout, pour des personnes
célibataires ou mariées, dans l'Association,
sans modification de leur responsabilité dans le
mouvement. Mais ce projet avorta dans l'œuf. Il y
est pourtant encouragé par le chanoine Cornette,
qui perçoit lui-aussi une baisse spirituelle du
mouvement. Une autre idée naît dans l'esprit
du Père Sevin : celle de diacres permanents, dont
la fonction première serait l'éducation
de la foi des jeunes. Il en parla à l'évêque
de Rouen et au cardinal Suhard, en 1948, mais le projet,
bien qu'encouragé, fut oublié après
la mort du cardinal. Il fallut attendre Vatican II…
Ses plus grosses difficultés naîtront en
janvier 1924. Cette année-là, le chanoine
Cosson de Paris est averti que le Père désire
fonder un ordre scout. Il réagit immédiatement
et provoque l'affolement général. Bientôt,
on accuse le Père de vouloir fonder une société
secrète destinée à le renseigner
sur les agissements des aumôniers, et surtout à
l'entourer pour évincer l'abbé Cornette
(devenu chanoine cette même année) et devenir
Aumônier Général à sa place.
Il doit démissionner de son poste de Commissaire
général, et part dans le même temps
défendre le scoutisme à Rome.
Le scoutisme risque en effet condamnation, et doit réfuter
les accusation de théosophisme, naturalisme, franc-maçonnerie
et interconfessionnalisme. Il se trouvera contraint de
ne pas renouveler l'adhésion du mouvement au Bureau
interfédéral et au Bureau international
; l'heure n'est pas à l'œcuménisme,
Vatican II est encore loin. Aux yeux du Père Sevin,
c'est un recul, qu'il accepte avec humilité et
obéissance, sans perdre son enthousiasme.
Au sujet de l'affaire Cosson, il faut savoir que le Chanoine
Cornette encourageait pourtant le père Sevin dans
le sens de son ordre scout, mais subit en 1926 les pressions
double de l'abbé Cosson et du Général
Guyot de Salins (directeur de l'association en tant que
loi 1901 ?), qui menace de démissionner (mais lui-même
semble subir des pressions). Le chanoine cornette lui
demandera trois ans plus tard de reprendre le projet.
Alors on court-circuite et on fait pression directement
sur le supérieur général des Jésuites
à Rome, qui devant le flot de difficulté
ne fait pas d'enquête et interdit l'Ordre, lui demandant
de le remplacer par un Cercle spirituel. Pourtant le Père
était soutenu par diverses autorités religieuses.
En 1937, le Père Forestier remplace le Chanoine
Cornette au poste d'aumônier national, et poursuit
la lutte contre l'Ordre. Le Père Sevin sera étonné
de constater l'hostilité incompréhensible
du Père Forestier à son égard, alors
même qu'il a déjà quitté le
mouvement. Le Père Forestier pu s'en expliqué
en 1963, après la mort du Père Sevin, lors
de la reconnaissance canonique de la Sainte Croix de Jérusalem.
Lorsque le Père Forestier a été nommé
aumônier général, il n'a " reçu
qu'une directive : ne pas permettre qu'un ordre religieux
se présentât comme issu des SdF ". Et
il lui était interdit de faire état de cette
consigne, soit disant venu de haut lieu, communiquée
par deux prélats (dont il ne donna pas les noms).
Il a eu beau se méfier, il n'en a pas moins appliqué
les directives.
En 1944, après la guerre qui divisa le scoutisme,
le Père pourra enfin fonder cet Ordre, avec l'appui
de ses supérieurs et grâce à 4 cheftaines
téméraires (mais sans branche masculine).
En 1933, le Père Sevin est " vidé "
du mouvement, et doit quitter toute responsabilité
nationale et internationale. Il semble qu'on lui reproche
surtout son ascendant sur les chefs qu'il forme jusqu'au
domaine spirituel. Cette séparation qui voulait
être instaurée venait des anticléricaux
d'Action française qui désiraient, dans
la tradition maurassienne (de Maurras ; cf Doc. Cath.
N°17 p. 131) isoler un temporel autonome d'un spirituel
marginal. Au bout du compte, on va jusqu'à lui
interdire de prêcher des retraites, et on l'isole
à Lille, où il va y retrouver les pauvres
dans la contemplation et la souffrance silencieuse. Finalement,
il semble qu'on voulait politiser le mouvement scout,
et le cas de Jacques ne fut pas isolé, d'autres
aumôniers furent pareillement évincés.
Le Père Sevin insistait beaucoup en effet sur la
bonne formation des chefs : du côté de la
méthode scoute (ils avaient intérêt
à avoir lu les livres du fondateur), et du côté
d'éducateur de la foi. Il enseignait un nouveau
mode de prière pour l'époque à ses
chefs : " ayez vos prières à vous,
[loin des formules toutes faites non liturgiques et encombrantes],
grâce auxquelles ils comprendront que [les deux
vies de chrétiens et de scout] n'en font qu'une,
et qu'ils ne sont scouts que pour vivre en chrétiens
plus parfaits, d'un surnaturel plus intense. ". Il
disait encore : " Vous devez vivre de la foi, […]
cela doit jaillir de votre contact […]. Que votre
foi ne vous rende pas sévère, austère,
morose, maussade, mais plus gais que tout le monde, parce
que plus fervents, plus rempli de la joie même de
Dieu "
Il veilla même à former les aumôniers,
conscient qu'il ne suffisait pas d'être prêtre
pour être scout, et pour éviter que ces derniers
prennent la place du chef à une époque où
le laïcat n'existait pas encore. |